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FABLE. LâĂNE, LE BĆUF ET LE LABOUREUR. UN marchand trĂšs-riche avoit plusieurs maisons Ă la campagne, oĂč il faisoit nourrir une grande quantitĂ© de toute sorte de bĂ©tail. Il se retira avec sa femme et ses enfans Ă une de ses terres pour la faire valoir par lui-mĂȘme. Il avoit le don dâentendre le langage des bĂȘtes ; mais avec cette condition, quâil ne pouvoit lâinterprĂ©ter Ă personne, sans sâexposer Ă perdre la vie ; ce qui lâempĂȘchoit de communiquer les choses quâil avoit apprises par le moyen de ce don. » Il y avoit Ă une mĂȘme auge un bĆuf et un Ăąne. Un jour quâil Ă©toit assis prĂšs dâeux, et quâil se divertissoit Ă voir jouer devant lui ses enfans, il entendit que le bĆuf disoit Ă lâĂąne LâĂveillĂ©, que je te trouve heureux, quand je considĂšre le repos dont tu jouis, et le peu de travail quâon exige de toi ! Un homme te panse avec soin, te lave, te donne de lâorge bien criblĂ©, et de lâeau fraĂźche et nette. Ta plus grande peine est de porter le marchand notre maĂźtre, lorsquâil a quelque petit voyage Ă faire. Sans cela, toute ta vie se passeroit dans lâoisivetĂ©. La maniĂšre dont on me traite est bien diffĂ©rente, et ma condition est aussi malheureuse que la tienne est agrĂ©able. Il est Ă peine minuit quâon mâattache Ă une charrue que lâon me fait traĂźner tout le long du jour en fendant la terre ; ce qui me fatigue Ă un point, que les forces me manquent quelquefois. Dâailleurs, le laboureur, qui est toujours derriĂšre moi, ne cesse de me frapper. Ă force de tirer la charrue, jâai le cou tout Ă©corchĂ©. Enfin, aprĂšs avoir travaillĂ© depuis le matin jusquâau soir, quand je suis de retour, on me donne Ă manger de mĂ©chantes fĂšves sĂšches, dont on ne sâest pas mis en peine dâĂŽter la terre, ou dâautres choses qui ne valent pas mieux. Pour comble de misĂšre, lorsque je me suis repu dâun mets si peu appĂ©tissant, je suis obligĂ© de passer la nuit couchĂ© dans mon ordure. Tu vois donc que jâai raison dâenvier ton sort. » » LâĂąne nâinterrompit pas le bĆuf ; il lui laissa dire tout ce quâil voulut ; mais quand il eut achevĂ© de parler Vous ne dĂ©mentez pas, lui dit-il, le nom dâidiot quâon vous a donnĂ© ; vous ĂȘtes trop simple, vous vous laissez mener comme lâon veut, et vous ne pouvez prendre une bonne rĂ©solution. Cependant quel avantage vous revient-il de toutes les indignitĂ©s que vous souffrez ? Vous vous tuez vous-mĂȘme pour le repos, le plaisir et le profit de ceux qui ne vous en savent point de grĂ©. On ne vous traiteroit pas de la sorte, si vous aviez autant de courage que de force. Lorsquâon vient vous attacher Ă lâauge, que ne faites-vous rĂ©sistance ? Que ne donnez-vous de bons coups de cornes ? Que ne marquez-vous votre colĂšre en frappant du pied contre terre ? Pourquoi enfin nâinspirez-vous pas la terreur par des beuglemens effroyables ? La nature vous a donnĂ© les moyens de vous faire respecter, et vous ne vous en servez pas. On vous apporte de mauvaises fĂšves et de mauvaise paille, nâen mangez point ; flairez-les seulement et les laissez. Si vous suivez les conseils que je vous donne, vous verrez bientĂŽt un changement dont vous me remercierez. » » Le bĆuf prit en fort bonne part les avis de lâĂąne, il lui tĂ©moigna combien il lui Ă©toit obligĂ©. Cher lâĂveillĂ©, ajouta-t-il, je ne manquerai pas de faire tout ce que tu mâas dit, et tu verras de quelle maniĂšre je mâen acquitterai. » Ils se turent aprĂšs cet entretien, dont le marchand ne perdit pas une parole. » Le lendemain de bon matin, le laboureur vint prendre le bĆuf ; il lâattacha Ă la charrue, et le mena au travail ordinaire. Le bĆuf, qui nâavoit pas oubliĂ© le conseil de lâĂąne, fit fort le mĂ©chant ce jour-lĂ ; et le soir, lorsque le laboureur lâayant ramenĂ© Ă lâauge, voulut lâattacher comme de coutume, le malicieux animal, au lieu de prĂ©senter ses cornes de lui-mĂȘme, se mit Ă faire le rĂ©tif, et Ă reculer en beuglant ; il baissa mĂȘme ses cornes, comme pour en frapper le laboureur. Il fit enfin tout le manĂ©ge que lâĂąne lui avoit enseignĂ©. Le jour suivant, le laboureur vint le reprendre pour le remener au labourage ; mais trouvant lâauge encore remplie des fĂšves et de la paille quâil y avoit mises le soir, et le bĆuf couchĂ© par terre, les pieds Ă©tendus, et haletant dâune Ă©trange façon, il le crut malade ; il en eut pitiĂ©, et jugeant quâil seroit inutile de le mener au travail, il alla aussitĂŽt en avertir le marchand. » Le marchand vit bien que les mauvais conseils de lâEveillĂ© avoient Ă©tĂ© suivis ; et pour le punir comme il le mĂ©ritoit Va, dit-il au laboureur, prends lâĂąne Ă la place du bĆuf, et ne manque pas de lui donner bien de lâexercice. » Le laboureur obĂ©it. LâĂąne fut obligĂ© de tirer la charrue tout ce jour-lĂ ; ce qui le fatigua dâautant plus, quâil Ă©toit moins accoutumĂ© Ă ce travail. Outre cela, il reçut tant de coups de bĂąton, quâil ne pouvoit se soutenir quand il fut de retour. » Cependant le bĆuf Ă©toit trĂšs-content il avoit mangĂ© tout ce quâil y avoit dans son auge, et sâĂ©toit reposĂ© toute la journĂ©e ; il se rĂ©jouissoit en lui-mĂȘme dâavoir suivi les conseils de lâEveillĂ© ; il lui donnoit mille bĂ©nĂ©dictions pour le bien quâil lui avoit procurĂ©, et il ne manqua pas de lui en faire un nouveau compliment lorsquâil le vit arriver. LâĂąne ne rĂ©pondit rien au bĆuf, tant il avoit de dĂ©pit dâavoir Ă©tĂ© si maltraitĂ©. Câest par mon imprudence, se disoit-il Ă lui-mĂȘme, que je me suis attirĂ© ce malheur ; je vivois heureux ; tout me rioit ; jâavois tout ce que je pouvois souhaiter ; câest ma faute, si je suis dans ce dĂ©plorable Ă©tat ; et si je ne trouve quelque ruse en mon esprit pour mâen tirer, ma perte est certaine. » En disant cela, ses forces se trouvĂšrent tellement Ă©puisĂ©es, quâil se laissa tomber Ă demi mort au pied de son auge. » En cet endroit le grand-visir sâadressant Ă Scheherazade, lui dit Ma fille, vous faites comme cet Ăąne, vous vous exposez Ă vous perdre par votre fausse prudence. Croyez-moi, demeurez en repos, et ne cherchez point Ă prĂ©venir votre mort. » Mon pĂšre, rĂ©pondit Scheherazade, lâexemple que vous venez de rapporter, nâest pas capable de me faire changer de rĂ©solution, et je ne cesserai point de vous importuner, que je nâaye obtenu de vous que vous me prĂ©senterez au sultan pour ĂȘtre son Ă©pouse. » Le visir, voyant quâelle persistoit toujours dans sa demande, lui rĂ©pliqua HĂ© bien, puisque vous ne voulez pas quitter votre obstination, je serai obligĂ© de vous traiter de la mĂȘme maniĂšre que le marchand dont je viens de parler, traita sa femme peu de temps aprĂšs ; et voici comment » Ce marchand ayant appris que lâĂąne Ă©toit dans un Ă©tat pitoyable, fut curieux de savoir ce qui se passeroit entre lui et le bĆuf. Câest pourquoi, aprĂšs le souper, il sortit au clair de la lune, et alla sâasseoir auprĂšs dâeux, accompagnĂ© de sa femme. En arrivant, il entendit lâĂąne qui disoit au bĆuf CompĂšre, dites-moi, je vous prie, ce que vous prĂ©tendez faire quand le laboureur vous apportera demain Ă manger ? » Ce que je ferai, rĂ©pondit le bĆuf, je continuerai de faire ce que tu mâas enseignĂ©. Je mâĂ©loignerai dâabord ; je prĂ©senterai mes cornes comme hier ; je ferai le malade, et feindrai dâĂȘtre aux abois. » Gardez-vous-en bien, interrompit lâĂąne, ce seroit le moyen de vous perdre ; car en arrivant ce soir, jâai ouĂŻ dire au marchand notre maĂźtre une chose qui mâa fait trembler pour vous. » HĂ© ! quâavez-vous entendu, dit le bĆuf ? ne me cachez rien, de grĂące, mon cher lâĂveillĂ©. » Notre maĂźtre, reprit lâĂąne, a dit au laboureur ces tristes paroles Puisque le bĆuf ne mange pas, et quâil ne peut se soutenir, je veux quâil soit tuĂ© dĂšs demain. Nous ferons, pour lâamour de Dieu, une aumĂŽne de sa chair aux pauvres ; et quant Ă sa peau qui pourra nous ĂȘtre utile, tu la donneras au corroyeur ; ne manque donc pas de faire venir le boucher. » VoilĂ ce que jâavois Ă vous apprendre, ajouta lâĂąne ; lâintĂ©rĂȘt que je prends Ă votre conservation, et lâamitiĂ© que jâai pour vous, mâobligent Ă vous en avertir et Ă vous donner un nouveau conseil. Dâabord quâon vous apportera vos fĂšves et votre paille, levez-vous, et vous jetez dessus avec aviditĂ© ; le maĂźtre jugera par-lĂ que vous ĂȘtes guĂ©ri, et rĂ©voquera, sans doute, lâarrĂȘt de mort au lieu que si vous en usez autrement, câest fait de vous. » » Ce discours produisit lâeffet quâen avoit attendu lâĂąne. Le bĆuf en fut Ă©trangement troublĂ© et en beugla dâeffroi. Le marchand, qui les avoit Ă©coutĂ©s tous deux avec beaucoup dâattention, fit alors un si grand Ă©clat de rire, que sa femme en fut trĂšs-surprise. Apprenez-moi, lui dit-elle, pourquoi vous riez si fort, afin que jâen rie avec vous. » Ma femme, lui rĂ©pondit le marchand, contentez-vous de mâentendre rire. » Non, reprit-elle, jâen veux savoir le sujet. » Je ne puis vous donner cette satisfaction, repartit le mari ; sachez seulement que je ris de ce que notre Ăąne vient de dire Ă notre bĆuf ; le reste est un secret quâil ne mâest pas permis de vous rĂ©vĂ©ler. » Et qui vous empĂȘche de me dĂ©couvrir ce secret, rĂ©pliqua-t-elle ? » Si je vous le disois, rĂ©pondit-il, apprenez quâil mâen coĂ»teroit la vie. » Vous vous moquez de moi, sâĂ©cria la femme ; ce que vous me dites, ne peut pas ĂȘtre vrai. Si vous ne mâavouez tout-Ă -lâheure pourquoi vous avez ri, si vous refusez de mâinstruire de ce que lâĂąne et le bĆuf ont dit, je jure par le grand Dieu qui est au ciel, que nous ne vivrons pas davantage ensemble. » » En achevant ces mots, elle rentra dans la maison, et se mit dans un coin oĂč elle passa la nuit Ă pleurer de toute sa force. Le mari coucha seul ; et le lendemain, voyant quâelle ne discontinuoit pas de lamenter Vous nâĂȘtes pas sage, lui dit-il, de vous affliger de la sorte ; la chose nâen vaut pas la peine ; et il vous est aussi peu important de la savoir, quâil mâimporte beaucoup, Ă moi, de la tenir secrĂšte. Nây pensez donc plus, je vous en conjure. » Jây pense si bien encore, rĂ©pondit la femme, que je ne cesserai pas de pleurer, que vous nâayez satisfait ma curiositĂ©. » Mais je vous dis fort sĂ©rieusement, rĂ©pliqua-t-il, quâil mâen coĂ»tera la vie, si je cĂšde Ă vos indiscrĂštes instances. » Quâil en arrive tout ce quâil plaira Ă Dieu, repartit-elle, je nâen dĂ©mordrai pas. » Je vois bien, reprit le marchand, quâil nây a pas moyen de vous faire entendre raison ; et comme je prĂ©vois que vous vous ferez mourir vous-mĂȘme par votre opiniĂątretĂ©, je vais appeler vos enfans, afin quâils aient la consolation de vous voir avant que vous mouriez. » Il fit venir ses enfans, et envoya chercher aussi le pĂšre, la mĂšre et les parens de la femme. Lorsquâils furent assemblĂ©s, et quâil leur eut expliquĂ© de quoi il Ă©toit question, ils employĂšrent leur Ă©loquence Ă faire comprendre Ă la femme quâelle avoit tort de ne vouloir pas revenir de son entĂȘtement ; mais elle les rebuta tous, et dit quâelle mourroit plutĂŽt que de cĂ©der en cela Ă son mari. Le pĂšre et la mĂšre eurent beau lui parler en particulier, et lui reprĂ©senter que la chose quâelle souhaitoit dâapprendre, ne lui Ă©toit dâaucune importance, ils ne gagnĂšrent rien sur son esprit, ni par leur autoritĂ©, ni par leurs discours. Quand ses enfans virent quâelle sâobstinoit Ă rejeter toujours les bonnes raisons dont on combattoit son opiniĂątretĂ©, ils se mirent Ă pleurer amĂšrement. Le marchand lui-mĂȘme ne savoit plus oĂč il en Ă©toit. Assis seul auprĂšs de la porte de sa maison, il dĂ©libĂ©roit dĂ©jĂ sâil sacrifieroit sa vie pour sauver celle de sa femme quâil aimoit beaucoup. » Or, ma fille, continua le visir en parlant toujours Ă Scheherazade, ce marchand avoit cinquante poules et un coq avec un chien qui faisoit bonne garde. Pendant quâil Ă©toit assis, comme je lâai dit, et quâil rĂȘvoit profondĂ©ment au parti quâil devoit prendre, il vit le chien courir vers le coq qui sâĂ©toit jetĂ© sur une poule, et il entendit quâil lui parla dans ces termes Ă coq ! Dieu ne permettra pas que tu vives encore long-temps ! Nâas-tu pas honte de faire aujourdâhui ce que tu fais ? » Le coq monta sur ses ergots, et se tournant du cĂŽtĂ© du chien Pourquoi, rĂ©pondit-il fiĂšrement, cela me seroit-il dĂ©fendu aujourdâhui plutĂŽt que les autres jours ? » Puisque tu lâignores, rĂ©pliqua le chien, apprends que notre maĂźtre est aujourdâhui dans un grand deuil. Sa femme veut quâil lui rĂ©vĂšle un secret qui est de telle nature, quâil perdra la vie sâil le lui dĂ©couvre. Les choses sont en cet Ă©tat ; et il est Ă craindre quâil nâait pas assez de fermetĂ© pour rĂ©sister Ă lâobstination de sa femme ; car il lâaime, et il est touchĂ© des larmes quâelle rĂ©pand sans cesse. Il va peut-ĂȘtre pĂ©rir ; nous en sommes tous alarmĂ©s dans ce logis. Toi seul, insultant Ă notre tristesse, tu as lâimprudence de te divertir avec tes poules. » » Le coq repartit de cette sorte Ă la rĂ©primande du chien Que notre maĂźtre est insensĂ© ! il nâa quâune femme, et il nâen peut venir Ă bout, pendant que jâen ai cinquante qui ne font que ce que je veux. Quâil rappelle sa raison, il trouvera bientĂŽt moyen de sortir de lâembarras oĂč il est. » HĂ© que veux-tu quâil fasse, dit le chien ? » Quâil entre dans la chambre oĂč est sa femme, rĂ©pondit le coq ; et quâaprĂšs sâĂȘtre enfermĂ© avec elle, il prenne un bon bĂąton, et lui en donne mille coups ; je mets en fait quâelle sera sage aprĂšs cela, et quâelle ne le pressera plus de lui dire ce quâil ne doit pas lui rĂ©vĂ©ler. » Le marchand nâeut pas sitĂŽt entendu ce que le coq venoit de dire, quâil se leva de sa place, prit un gros bĂąton, alla trouver sa femme qui pleuroit encore, sâenferma avec elle, et la battit si bien, quâelle ne put sâempĂȘcher de crier Câest assez, mon mari, câest assez, laissez-moi ; je ne vous demanderai plus rien. » A ces paroles, et voyant quâelle se repentoit dâavoir Ă©tĂ© curieuse si mal-Ă -propos, il cessa de la maltraiter ; il ouvrit la porte, toute la parentĂ© entra, se rĂ©jouit de trouver la femme revenue de son entĂȘtement, et fit compliment au mari sur lâheureux expĂ©dient dont il sâĂ©toit servi pour la mettre Ă la raison. Ma fille, ajouta le grand visir, vous mĂ©riteriez dâĂȘtre traitĂ©e de la mĂȘme maniĂšre que la femme de ce marchand. » Mon pĂšre, dit alors Scheherazade, de grĂące, ne trouvez point mauvais que je persiste dans mes sentimens. Lâhistoire de cette femme ne sauroit mâĂ©branler. Je pourrois vous en raconter beaucoup dâautres qui vous persuaderoient que vous ne devez pas vous opposer Ă mon dessein. Dâailleurs, pardonnez-moi si jâose vous le dĂ©clarer, vous vous y opposeriez vainement quand la tendresse paternelle refuseroit de souscrire Ă la priĂšre que je vous fais, jâirois me prĂ©senter moi-mĂȘme au sultan. » Enfin, le pĂšre, poussĂ© Ă bout par la fermetĂ© de sa fille, se rendit Ă ses importunitĂ©s ; et quoique fort affligĂ© de nâavoir pu la dĂ©tourner dâune si funeste rĂ©solution, il alla dĂšs ce moment trouver Schahriar, pour lui annoncer que la nuit prochaine il lui mĂšneroit Scheherazade. Le sultan fut fort Ă©tonnĂ© du sacrifice que son grand-visir lui faisoit. Comment avez-vous pu, lui dit-il, vous rĂ©soudre Ă me livrer votre propre fille ? » Sire, lui rĂ©pondit le visir, elle sâest offerte dâelle-mĂȘme. La triste destinĂ©e qui lâattend, nâa pu lâĂ©pouvanter, et elle prĂ©fĂšre Ă sa vie lâhonneur dâĂȘtre une seule nuit lâĂ©pouse de votre majestĂ©. » Mais ne vous trompez pas, visir, reprit le sultan demain, en vous remettant Scheherazade entre vos mains, je prĂ©tends que vous lui ĂŽtiez la vie. Si vous y manquez, je vous jure que je vous ferai mourir vous-mĂȘme. » Sire, repartit le visir, mon cĆur gĂ©mira, sans doute, en vous obĂ©issant ; mais la nature aura beau murmurer quoique pĂšre, je vous rĂ©ponds dâun bras fidĂšle. » Schahriar accepta lâoffre de son ministre, et lui dit quâil nâavoit quâĂ lui amener sa fille quand il lui plairoit. Le grand-visir alla porter cette nouvelle Ă Scheherazade, qui la reçut avec autant de joie que si elle eĂ»t Ă©tĂ© la plus agrĂ©able du monde. Elle remercia son pĂšre de lâavoir si sensiblement obligĂ©e ; et voyant quâil Ă©toit accablĂ© de douleur, elle lui dit, pour le consoler, quâelle espĂ©roit quâil ne se repentiroit pas de lâavoir mariĂ©e avec le sultan, et quâau contraire il auroit sujet de sâen rĂ©jouir le reste de sa vie. Elle ne songea plus quâĂ se mettre en Ă©tat de paroĂźtre devant le sultan ; mais avant que de partir, elle prit sa sĆur Dinarzade en particulier, et lui dit Ma chĂšre sĆur, jâai besoin de votre secours dans une affaire trĂšs-importante, je vous prie de ne me le pas refuser. Mon pĂšre va me conduire chez le sultan pour ĂȘtre son Ă©pouse. Que cette nouvelle ne vous Ă©pouvante pas ; Ă©coutez-moi seulement avec patience. DĂšs que je serai devant le sultan, je le supplierai de permettre que vous couchiez dans la chambre nuptiale, afin que je jouisse cette nuit encore de votre compagnie. Si jâobtiens cette grĂące, comme je lâespĂšre, souvenez-vous de mâĂ©veiller demain matin une heure avant le jour et de mâadresser ces paroles Ma sĆur, si vous ne dormez pas, je vous supplie, en attendant le jour qui paroĂźtra bientĂŽt, de me raconter un de ces beaux contes que vous savez. » AussitĂŽt je vous en conterai un, et je me flatte de dĂ©livrer par ce moyen tout le peuple de la consternation oĂč il est. Dinarzade rĂ©pondit Ă sa sĆur quâelle feroit avec plaisir ce quâelle exigeoit dâelle. Lâheure de se coucher Ă©tant enfin venue, le grand-visir conduisit Scheherazade au palais, et se retira aprĂšs lâavoir introduite dans lâappartement du sultan. Ce prince ne se vit pas plutĂŽt avec elle, quâil lui ordonna de se dĂ©couvrir le visage. Il la trouva si belle, quâil en fut charmĂ© ; mais sâapercevant quâelle Ă©toit en pleurs, il lui en demanda le sujet. Sire, rĂ©pondit Scheherazade, jâai une sĆur que jâaime aussi tendrement que jâen suis aimĂ©e. Je souhaiterois quâelle passĂąt la nuit dans cette chambre, pour la voir et lui dire adieu encore une fois. Voulez-vous bien que jâaie la consolation de lui donner ce dernier tĂ©moignage de mon amitiĂ© ? » Schahriar y ayant consenti, on alla chercher Dinarzade, qui vint en diligence. Le sultan se coucha avec Scheherazade sur une estrade fort Ă©levĂ©e Ă la maniĂšre des monarques de lâOrient, et Dinarzade dans un lit quâon lui avoit prĂ©parĂ© au bas de lâestrade. Une heure avant le jour, Dinarzade sâĂ©tant rĂ©veillĂ©e, ne manqua pas de faire ce que sa sĆur lui avoit recommandĂ©. Ma chĂšre sĆur, sâĂ©cria-t-elle, si vous ne dormez pas, je vous supplie, en attendant le jour qui paroĂźtra bientĂŽt, de me raconter un de ces contes agrĂ©ables que vous savez. HĂ©las ! ce sera peut-ĂȘtre la derniĂšre fois que jâaurai ce plaisir. » Scheherazade, au lieu de rĂ©pondre Ă sa sĆur, sâadressa au sultan Sire, dit-elle, votre majestĂ© veut-elle bien me permettre de donner cette satisfaction Ă ma sĆur ? » TrĂšs-volontiers, rĂ©pondit le sultan. » Alors Scheherazade dit Ă sa sĆur dâĂ©couter ; et puis adressant la parole Ă Schahriar, elle commença de la sorte
NUITDE LA LECTURE MĂ©diathĂšque et Accueil de Loisirs Pour cee seconde nuit de la lecture Ă Cracâh, nous vous proposons de nous retrouver dans lâagora de lâespace de lâOcĂ©an pour partager un thĂ© Ă la menthe et parËciper Ă la grande fresque. Vous pourrez Ă©galement proïŹter de cee soirĂ©e pour Ă©couter les histoires des mille et une nuits par les bĂ©nĂ©voles de la
Ce recueil de contes populaires arabes est le plus universel qui soit qui ne connaĂźt ShĂ©hĂ©razade, Aladin, Ali Baba et les quarante voleurs ou Sindbad le marin ? C'est aussi le plus mystĂ©rieux. Sa genĂšse commence Ă peine Ă ĂȘtre connue des spĂ©cialistes. AndrĂ© LaranĂ© Une dĂ©couverte tardive par Antoine Galland Ă la fin du XVIIe siĂšcle, un diplomate de Louis XIV en poste Ă Constantinople demande Ă son secrĂ©taire Antoine Galland de collecter des informations sur l'empire ottoman. TrĂšs douĂ© pour les langues, Antoine Galland s'exĂ©cute avec brio et achĂšte de façon compulsive des manuscrits dans toutes les langues de l'Orient. De retour en France, il commence Ă mettre en forme ses notes de voyage. LĂ -dessus, en 1701, des amis d'Alep Syrie lui envoient un Ă©pais manuscrit destinĂ© Ă le distraire. Il s'agit du premier tome d'un recueil de contes. Antoine Galland en perçoit de suite la saveur romanesque. Il traduit les contes avec une grande habiletĂ© de plume et les publie en 1704 sous le titre Les Mille et Une Nuits. Ils recueillent un immense succĂšs auprĂšs du public et vont contribur, avec les peintures de Jean Baptiste Vanmour, Ă mettre l'Orient Ă la mode. Ainsi Montesquieu Ă©crira-t-il plus tard les Lettres persanes et Voltaire Zadig. Mais il y a un hic. Le recueil s'arrĂȘte Ă la 282e nuit et, faute de trouver les manuscrits suivants, Antoine Galland se rend soir aprĂšs soir chez l'un de ses amis syriens, HannĂą DiyĂąb, qui est Ă©tabli Ă Paris et divertit ses invitĂ©s en leur racontant des contes de son pays. Antoine Galland prend scrupuleusement des notes et obtient de son jeune ami qu'il les corrige. C'est plus tard, Ă travers le journal intime d'HannĂą DiyĂąb, que l'on aura connaissance de ce manĂšge. Toujours est-il que les contes complĂ©mentaires d'Antoine Galland, publiĂ©s jusqu'Ă sa mort en 1715, vont au final se rĂ©vĂ©ler trĂšs proches des contes originels, rĂ©vĂ©lĂ©s dans des manuscrits antĂ©rieurs. Fruits d'une culture orale, ces contes connaissent autant de variantes que de conteurs mais sont issus d'un fond commun trĂšs ancien, comme on le verra plus loin. Le succĂšs des contes en France - et plus gĂ©nĂ©ralement en Occident - conduit les lettrĂ©s d'Orient et du Caire en particulier Ă s'y intĂ©resser Ă leur tour, malgrĂ© leurs prĂ©jugĂ©s d'intellectuels. C'est que ces contes relĂšvent d'une culture citadine bourgeoise et sont exprimĂ©s en langue arabe mĂ©diane », entre l'arabe dialectal populaire et l'arabe littĂ©raire classique, ce qui nuit Ă leur prestige. Une premiĂšre Ă©dition complĂšte en langue arabe est imprimĂ©e en 1835 par l'imprimerie de BĂ»lĂąq, dans la banlieue du Caire, avec les encouragements du pacha MĂ©hĂ©met Ali, fondateur de l'Ăgypte moderne. Cette Ă©dition porte le titre Alf layla wa-layla » Mille nuits et une nuits, jugĂ© plus percutant que le titre ancien Alf layla » Mille nuits. Elle compte un total de 169 contes quand le recueil d'Antoine Galland n'en comptait que 70. Parfois qualifiĂ©e de Vulgate du Caire », elle est devenue la rĂ©fĂ©rence en la matiĂšre. Il n'empĂȘche que son contenu souvent leste, qui expose des femmes lĂ©gĂšres et des hommes ivrognes, lui vaut d'ĂȘtre aujourd'hui condamnĂ© par les fanatiques d'un islam aux couleurs de la mort. En attendant, Ă la Belle Ăpoque, Charles Mardrus, mĂ©decin maritime de son Ă©tat et ami de StĂ©phane MallarmĂ©, tue le temps en traduisant la Vulgate du Caire. Il en souligne tout particuliĂšrement les aspects drus et Ă©rotiques. PubliĂ©e en 1904, cette deuxiĂšme traduction, autrement plus salace que celle de Galland, recueille un succĂšs foudroyant auprĂšs du public cultivĂ©. L'annĂ©e suivante, le cinĂ©aste Georges MĂ©liĂšs s'en inspire pour l'un de ses premiers films, avec des scĂšnes colorisĂ©es Ă la main. DĂ©jĂ , en 1902, de l'autre cĂŽtĂ© de l'Atlantique, Thomas Edison, pionnier du cinĂ©ma, a produit un court-mĂ©trage inspirĂ© de l'histoire d'Ali Baba et des quarante voleurs. Les Mille et Une Nuits inspirent aussi en 1926 le premier film d'animation, Les aventures du prince Ahmed. Innombrables sont depuis lors les adaptations des contes au cinĂ©ma mais aussi Ă l'opĂ©ra, au théùtre, etc. Plus fort que tout, les cĂ©lĂšbres Ballets russes de Diaghilev crĂ©ent en 1910 le ballet SchĂ©hĂ©razade sur une musique de Rimski-Korsakov, mais le sujet est moins la conteuse que la reine adultĂ©rine ZobĂ©ida qui trompa Shariyar avec un esclave noir. Les deux amants sont jouĂ©s par Ida Rubinstein et Vaslav Nijinsky. Ils font les dĂ©lices du tout-Paris. Une origine indienne Ă la fin du XIXe siĂšcle, une Ă©tudiante amĂ©ricaine dĂ©couvre dans une bibliothĂšque du Caire un fragment de vieux papier qui porte quelques lignes manuscrites. Il y est fait rĂ©fĂ©rence Ă une certaine ShĂ©hĂ©razade et Ă mille nuits ! Elle comprend qu'elle a affaire Ă une Ă©dition du cĂ©lĂšbre recueil. L'analyse va montrer que le papier remonte Ă l'an 878 de notre Ăšre. C'est la plus ancienne trace Ă©crite connue Ă ce jour des Mille et Une Nuits. Le fait que le document soit du papier et non du luxueux parchemin, et qu'il soit, qui plus est, couvert d'autres inscriptions, tĂ©moigne du peu d'estime dans lequel les lecteurs tenaient ce recueil de contes. Les Ă©tudes linguistiques ont permis depuis lors d'identifier les lointaines origines des Mille et Une Nuits. Le rĂ©cit qui ouvre le recueil, autour de ShĂ©hĂ©razade et du roi Shariyar, dĂ©rive trĂšs directement d'un conte indien passĂ© en Perse, Kalila et Dimna. Les noms des hĂ©ros prĂ©citĂ©s sont eux-mĂȘmes typiquement persans. Rappelons briĂšvement la structure du recueil tout commence quand le roi Shariyar dĂ©couvre l'adultĂšre de son Ă©pouse, qu'il croyait pure et au-dessus de tout soupçon. ConsternĂ© plus qu'il n'est permis, il dĂ©cide d'Ă©pouser une vierge chaque jour et de la mettre Ă mort au terme de la nuit de noces. Ainsi en va-t-il pendant mille jours. Mais cela n'est pas du goĂ»t de son peuple qui rechigne Ă livrer de nouvelles victimes au minotaure. Le vizir craint la colĂšre de son maĂźtre s'il n'arrive plus Ă l'approvisionner en chair fraĂźche. Sa propre fille ShĂ©hĂ©razade, voyant son dĂ©sespoir, propose d'ĂȘtre la prochaine victime mais rassure son pĂšre tant qu'elle peut... Pendant la nuit de noces, suivant un plan convenu Ă l'avance, sa jeune soeur Dinarzade se prĂ©sente Ă la porte de la chambre et supplie le roi de lui accorder la faveur d'entendre sa soeur lui raconter une derniĂšre histoire, comme elle en avait pris l'habitude depuis plusieurs annĂ©es. Soit, dit le roi. Et l'un et l'autre Ă©coutent bĂ©atement ShĂ©hĂ©razade. Ă l'aurore, elle s'interrompt. Le roi, impatient d'entendre la suite, la supplie. Mais ShĂ©hĂ©razade ne flĂ©chit pas et remet la suite Ă la nuit prochaine... Ainsi va-t-elle maintenir en haleine son Ă©poux pendant mille et une nuits, au terme desquelles celui-ci lui accordera la vie et son amour. Le stratagĂšme de ShĂ©hĂ©razade tient dans un rĂ©cit Ă tiroirs Ă l'intĂ©rieur de chaque conte, un personnage raconte un Ă©pisode de sa vie ou un autre conte, de façon Ă entretenir l'attention des auditeurs les contes sont avant tout oraux. Cette forme de rĂ©cit est caractĂ©ristique d'un genre littĂ©raire indo-persan destinĂ© Ă Ă©duquer les fils des rois et des gouvernants en leur montrant des personnages auxquels ils peuvent s'identifier et appelĂ© pour cette raison Miroir des princes ». Ces rĂ©cits sont plus tard devenus de purs divertissements Ă l'usage des citadins, dans les grandes mĂ©tropoles orientales, en particulier Bagdad, Damas et Le Caire. Ils mettent en scĂšne aussi bien de grands souverains, tel le calife Haroun al-Rachid et son vizir Jafar, que de trĂšs humbles portefaix porteurs, hommes Ă tout faire ou d'habiles marchands. PubliĂ© ou mis Ă jour le 2021-06-20 082524
Chaquenuit, elle raconte une histoire à son mari, dont la suite est reportée au lendemain. Le sultan, trop curieux, ne la tue pas, et reporte chaque soir son exécution afin de connaßtre la suite de l'histoire. Finalement, Shéhérazade gagne la confiance de son mari et, aprÚs mille et une nuits, il renonce à la faire tuer. I.
Mille et une nuits proposent des chefs d'oeuvre de la littérature pour le temps d'une attente, d'un voyage ou d'une insomnie... Cet collection de livre lancé en 1993 prenait une forme inédite en propose un livre pour 10 francs 1,5 euros. Plus de 20 ans aprÚs, la collection Mille et une nuits de Fayard est toujours un des éditeurs les plus intéressant en proposant des livres de quelques dizaines à quelques centaines de pages pour des prix vraiment dérisoire de 1,5 à 5 euros. YouScribe propose plus de 400 titres de Mille et une nuits dans des thématiques aussi différentes que les livres philosophiques, les textes politiques, les piÚces littéraires, les pamphlets ou la littérature étrangÚre. Publications
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10 contes des mille et une nuits fiche de lecture